As you try to fan a dying flame

Eli serre les dents. Elle rassemble ses dernières forces pour atteindre le port dans l’espoir de trouver quelqu’un. Caleb, Monsieur Amdahl. Mais il fait nuit et le port est vide. Eli baisse les yeux sur sa main qui retient cette petite plaie ouverte sur son ventre. Elle n’aurait jamais dû s’interposer. Pourtant c’était évident pour elle, protéger sa collègue, l’aider à faire face à ce client insupportable. Mécontent, il s’était énervé contre la jeune femme, puis Eli s’était interposée pour arrêter tout ça. Mais au premier coup sur sa joue, Eli savait qu’elle avait foiré et qu’elle n’aurait jamais dû le faire. Sa lèvre s’était mise à saigner alors qu’elle tentait de s’écarter le plus rapidement possible. Un deuxième coup sur son œil. C’est le bordel dans le bar, le monde s’agite mais cet homme est toujours là. Il continuait de fendre l’air avec ses bras, avec ce petit couteau invisible, essayant de toucher quelqu’un. Il effleure le ventre d’Eli. La plaie n’est pas profonde mais elle saigne. Elle s’écarte et se dépêche d’aller chercher ses employeurs, expliquant la situation. Mais rien n’y fait, elle n’est plus entendue. Elle n’est plus entendue depuis qu’elle leur doit une somme considérable. Ils s’en moquent, il n’y a plus de protection pour elle. Eli finit par partir pour atteindre le port pour s’enfuir le plus rapidement possible. Elle cherche partout avant d’apercevoir une voiture noire s’approcher d’elle. L’adrénaline continue de couler dans ses veines mais sa tête commence à tourner. Elle a l’impression qu’elle va tomber dans les pommes, surtout en voyant sa main complètement rouge. Trop tard, ses yeux se ferment et son corps atterrit par terre.

5 minutes plus tard. Ou peut-être 1h. Eli ne sait pas. Le temps est étrange. Il est peut-être le matin ou toujours le soir. Ses yeux s’ouvrent dans la voiture. Elle voit cette femme à l’arrière, posant ses yeux sur elle. « Je vous dépose chez Monsieur Amdahl. » Eli ne comprend rien, mais ok.

Raven, de son côté, envoie le premier message à son frère :

« J’ai quelque chose qui t’appartient, petit frère. »

Un autre message :

« Colis déposé. Tu m’es redevable. A bientôt. »

Et une signature :

« Rav. »

Eli ferme les yeux et se retrouve devant le portail de la résidence de son patron. La voiture repart et elle se retrouve là, là où elle travaille pour quelqu’un d’autre. Eli s’avance dans le domaine, essayant de ne pas tituber. Elle doit rapidement trouver quelque chose pour se soigner. Elle entre dans la maison et file dans la buanderie, à la recherche de la trousse à pharmacie. Elle en fout partout parce qu’elle ne trouve rien et qu’elle n’arrive pas à se soigner toute seule. Elle a soif. Soif d’alcool, elle a trop mal, elle a besoin de quelque chose de fort. Mais évidemment, il n’y a plus rien ici. Eli arrive dans la cuisine, et cherche désespérément. Se tenant toujours le ventre, elle ne trouve rien et désespère. Il faut qu'elle reste discrète.

Sortant de ma salle de bain après un long bain reposant, j'enfile un simple jogging, appréciant la chaleur qui revient peu à peu sur l'île malgré la nuit tombée. J'étais rentré tard du cabaret et impossible de m'endormir. Malgré le bain, mon corps ne semble toujours pas fatigué. Je décide alors de me rendre dans mon bureau et d'avancer dans mes comptes et les états de paies. Oui, la fin du mois approche et j'avais le besoin de payer à temps, voire même en avance certains mois, mes salariés. Plongés dans les plannings et dans les chiffres, j'aperçois du coin de l'oeil la lumière de mon téléphone s'allumer. L'heure y apparaissait également et surpris de l'heure si tardive - ou précoce, tout dépend le point de vue - je ne peux m'empêcher de m'inquiéter. A une faible mesure bien entendu. Dans mon flegme légendaire, j'attrape mon téléphone et aperçois deux messages de ma soeur. Puis un dernier. Soufflant de désespoir, je me demande quel âge avait ma soeur pour songer à devoir signer ses sms. Mais la curiosité est grande et pose mon téléphone me disant que je la rappellerai peut-être plus tard, si ce colis est réellement redevable. Arrivé à la porte d'entrée, il n'y avait rien. Ni dedans, ni dehors. Un bruit à la cuisine attira alors mon attention. Eli. Cela ne pouvait être que Larsen. Pourquoi diable Raven l'avait-elle déposée chez moi si tôt dans la journée ? Mon instinct m'ordonne de me dépêcher "Tu commences particulièrement tôt aujourd'hui Larsen." Lui annonçais-je, fronçant les sourcils, alors qu'elle était encore de dos. Cela ne m'indiquait rien qui vaille.

Eli ne connait pas la jeune femme de la voiture, elle ne sait même plus comment elle a été trouvée… Mais qu’importe, maintenant qu’elle est chez son patron, elle doit trouver de quoi se soigner et surtout, un petit remontant pour calmer le stress et la douleur qui commencent peu à peu à l’envahir. Elle ne mesure pas l’état de ses blessures. Elle n’a pas vu non plus son propre visage. Cette marque, qui deviendra rapidement bleue dans quelques heures, autour de son œil. Sur sa joue aussi et ses lèvres ouvertes. Elle ne réalise pas car elle ne s’est toujours pas vue. En revanche, elle voit facilement la plaie sur son ventre puisque le couteau a transpercé le tissu de sa robe. Sa main reste dessus, de peur d’aggraver la situation. Elle doit simplement désinfecter et mettre une compresse. Mais ça, Eli est, pour l’instant, dans l’incapacité totale de réfléchir, toujours traumatisée par les évènements. Elle ne remarque pas non plus qu’elle n’a pas son sac, que son portable a disparu, que son talon de chaussure s’est cassé, que ses mèches de cheveux se collent à son visage plein de sueur, que sa robe n'est pas droite sur son corps. Elle mériterait une bonne douche mais encore une fois, Eli pense simplement à trouver une bouteille d’alcool. Seulement, elle a fait trop de bruit et sursaute en entendant Monsieur Amdahl derrière elle. Eli se retourne puis se recule, par protection, par réflexe de survie. Elle recule jusqu’à être coincée contre le mur de la cuisine. Pourtant, elle sait pertinemment qu’il ne lui fera aucun mal, bien au contraire, mais elle est dans sa bulle. Une bulle qui s’est entièrement crée par ce traumatisme, s’imaginant que le monde entier va lui faire du mal. Les mains en avant pour se protéger, lâchant sa blessure, Eli finit par répondre d’une voix toujours étranglée par les émotions. « Je… Je.. » Eli déglutit «  Je suis désolée. Je ne veux pas vous déranger. » Explique la jeune femme d’un débit rapide. Elle aimerait bouger, être libre de ses mouvements mais elle est bloquée. Bloquée par la peur d’être de nouveau blessée, même par Monsieur Amdahl. Ca n’a pas de sens mais Eli a dû mal à retrouver la raison. « Je vais repartir, pardonnez moi. ». Explique Eli mais toujours sans bouger, tétanisée dans cette cuisine.

Recevoir ces étranges messages de ma soeur ne m'avait rien indiqué de bien positif. Cependant, j'étais loin de m'attendre à ce que ce colis soit une personne et pas n'importe laquelle. Celle qui a tendance à être bien plus précieuse à mes yeux que n'importe quoi d'autre. Malgré cela, j'essaie tout de même de conserver au mieux notre relation professionnelle lorsqu'elle est en poste, pour prouver autant à moi-même qu'à mon frère que c'est possible, qu'elle peut rester à mon service tout en ayant une relation intime avec elle. Où cela va me mener ? Aucune idée et ce n'était pas le moment d'y penser, non, quelque chose ne tournait pas rond. Pour cause, mon instinct ne me trompe guère. Lorsque la blonde se retourne, surprise par mon interpellation, j'observe bien rapidement l'étendue des dégâts de son corps. Mes yeux s'écarquillent, choqué et abasourdi. Comment est-ce possible ? "Eli ..." Lâchais-je complètement désemparé. Je ne l'entends même pas s'excuser tellement c'est stupide. J'avance doucement vers elle, mais elle se braque, semble avoir peur. Aucun doute, elle s'est faite agresser et ma soeur qui l'a raccompagné. Pourquoi ici et non à l'hôpital ? "Non, restez-là, tout va bien." La rassurais-je alors qu'elle s'était bloquée contre le mur de la cuisine, avec un regard apeuré. Je diminue alors le volume de ma voix, essayant d'être le plus doux des agneaux en m'approchant d'elle continuellement "Laissez-moi vous soigner." Lui indiquais-je alors que je tendais ma main vers son visage pour caresser doucement sa joue accidentée. L'ampleur des dégâts est telle que la rage me surprend "Qui vous a fait ça ?" Mes yeux dérivent sur son corps en entier et remarque une blessure bien plus grave au niveau de l'abdomen "Venez." Lui disais-je sans lui laisser le choix. Oui, il fallait que je la nettoie, et pour cela qu'on se rende dans la salle de bain.

Eli ne sait pas comment elle est arrivée ici. Elle se souvient être dans la voiture de cette inconnue mais elle ne sait pas comment elle connaissait son identité et comment elle connaissait aussi le lieu où elle travaillait. Tellement d’incohérence, elle n’arrive plus à réfléchir. En entendant la voix de son patron, Eli se recule pour se mettre rapidement à l’abri. En temps normal, elle n’a jamais peur de lui mais sur l’instant, Eli a l’impression que le monde entier va lui faire mal, y compris Monsieur Amdahl. Entendre son prénom de sa bouche l’apaise un peu, bien consciente qu’elle n’est pas n’importe qui à ses yeux. Le souffle court, comme un animal blessé, Eli tente de se faire toute petite, de ne plus bouger quand il s’approche d’elle, priant pour qu’il ne lui fasse rien. Mais non, elle est certainement en train d’halluciner, il ne lui fera pas de mal. Ses yeux se ferment automatiquement en sentant la chaleur de ses doigts sur son visage. Elle entend bien sa voix douce à ses oreilles, ce qui lui permet de rester calme et de se laisser complètement faire. Eli n’aime pas le voir comme ça car il est peu habituel de le voir agir de la sorte, il doit certainement fournir un effort colossal pour s’adapter à elle. Elle s’en veut déjà. Eli capitule à sa demande « Ok… » Murmure t-elle en sentant le contraste de sa main chaude avec son corps froid. Eli avait l’impression de geler, que son corps abimé devenait de plus en plus froid et qui lui était impossible de se réchauffer…. Mais la main chaude de son patron lui redonne un peu d’énergie et de réconfort. Ses yeux s’ouvrent en entendant sa question. Son regard est perdu alors que ses lèvres s’entrouvrent pour essayer de dire quelque chose. C’est arrivé trop vite et elle ne sait pas par où commencer. C’est trop compliqué. Heureusement, il finit par dire autre chose, elle n’est plus obligée de lui répondre. Pas tout de suite en tout cas. Eli acquiesce d’un léger mouvement de tête avant de le suivre docilement. C’est ce dont elle a besoin. Une personne qui tient le cap pour la guider, une personne assez forte pour ne pas flancher face à ses blessures. Monsieur Amdahl est le candidat parfait. Elle va pouvoir se redresser vite, ou s’effondrer. Arrivés dans la salle de bain, Eli ne prend pas la peine de se regarder dans le miroir, elle sent que sa joue la lance, elle doit avoir une marque mais elle a encore trop peur de regarder. Ses yeux se baissent vers son ventre, elle se force à rester debout mais un autre vertige la prend encore. Eli relève vite la tête pour ne pas regarder. Ce qu’elle remarque surtout c’est l’état de ses vêtements et de son corps abimé. Son regard se pose sur Monsieur Amdahl, elle a presque envie de s’excuser encore, d’être dans cet état. Mais elle veut être aidée, et ça se voit dans ses yeux, Roman Amdahl est son seul espoir.

Une chose est sûre, découvrir mon employée et mon amante dans cet état chaotique ne m'enchante guère. Non, je dirais même que je suis inquiet qu'autant que furax. Parce qu'elle s'est faite agresser, cela ne fait aucun doute. Mais plutôt que de me laisser aller à la colère, je choisis surtout d'être là pour elle, pour l'aider à aller mieux. Une chose que je n'ai jamais faite mais qui me semble étrangement naturel. Je ne réfléchis plus et ne cherche même pas à savoir absolument qui l'a laissé dans un état pareil. Certainement un client de son emploi obscur, cela ne fait aucun doute. Ce client qui allait passer le restant de ses jours à payer pour ce qu'il venait de faire. En attendant, j'emmenais sans encombre la jolie Eli qui n'offrait aucune résistance, qui semblait être tellement abasourdie qu'elle ne m'offrait aucun refus. C'était bien trop facile. Son expression en disait long. Un traumatisme, c'est évident. Une fois dans la salle de bain, les lumières crues dévoilent davantage son état catastrophique. Je l'accompagne jusqu'au bord de la baignoire où l'endroit était le plus large pour s'asseoir sans danger et commence à faire couler un bain chaud pour elle avec des huiles essentielles hors de prix. Je viens ensuite m'accroupir face à elle pour lui demander toujours d'une voix douce "Est-ce que je peux t'aider à te déshabiller ?" L'employeur avait rangé sa veste et je ne voyais plus que mon amante sous les yeux, plus besoin d'employer des vouvoiements de mascarade. Je l'aide déjà dans un premier temps à retirer ses chaussures puis ensuite à se relever, attendant de savoir ce qu'elle était capable de faire. J'ose juste espérer qu'elle ne s'est pas faite agresser sexuellement, sinon elle risque de me prendre moi aussi pour un agresseur et c'est tout ce que j'aurais horreur de subir. Surtout venant d'elle.

Monsieur Amdahl s’adapte très bien à elle, il comprend vite et prend les devants en s’approchant doucement d’elle. En sentant ses doigts sur sa joue, elle ressent une légère douleur, bien trop légère pour lui faire vraiment mal. La chaleur de sa peau prime sur tout le reste. Eli retrouve un peu de calme en entendant sa voix. Elle doit l’écouter, se laisser guider. Elle le suit et arrive dans la salle de bain avant de poser ses yeux sur lui, complètement perdue et incapable de réagir. Eli se laisse tout de même faire et se pose sur le côté de la baignoire. Elle le suit toujours du regard, curieuse de savoir ce qu’il fait. Elle n’a pas l’habitude de l’avoir « à son service ». C’est curieux qu’il prenne soin d’elle mais Eli ne réfléchit pas vraiment et continue de le laisser faire. Ses yeux se baissent vers lui alors qu’il l’aide à retirer ses chaussures. Le bruit de l’eau qui coule l’apaise un peu, crispant ses mains sur le rebords de la baignoire. Elle a peur de découvrir d’autres marques, peur de voir aussi dans son regard de la peine, ou de la pitié. Etre une victime est difficile à vivre pour elle, elle qui a toujours fui ce genre de chose, qui a toujours géré pour être avec des clients plutôt doux et non agressifs. Bon, ce n’était pas son client… Eli hoche doucement la tête en entendant sa nouvelle demande. Il n’utilise plus le vouvoiement, la hiérarchie est devenue inexistante entre eux, ce qui calme encore plus l’atmosphère. Eli se relève, reprenant un nouveau souffle. En se relevant, elle s’appuie soudainement et  complètement sur lui, ressentant toujours cette blessure. Elle aimerait s’appuyer plus mais elle ne veut pas le salir, alors elle s’écarte. Eli ne pleure pas, ne gémit pas non plus, elle serre les dents avant de se retourner et présenter son dos pour qu’il retire la fermeture. Etrange sensation. Comme la fois où il lui avait mis cette première robe hors de prix. Pourtant, rien n’est similaire, son corps est abimé, son esprit est ailleurs. Eli sent qu’elle tremble en laissant ses doigts attraper les bretelles de son vêtement. Elle fournit un effort supplémentaire en baissant, en même temps que son amant, le tissu de sa robe, qui passe par sa blessure. Elle arrive presque au bout mais elle finit par s'exprimer : « Stop stop… » Murmure t-elle en fermant les yeux. Elle se retrouve face à lui et lui demande : « Est-ce que vous…. Tu peux le faire ? » Demande Eli, essayant de trouver du courage. Descendre sa robe, passer sa blessure, Eli est incapable d’aller plus loin, ça lui fait bien trop mal, il faut qu’il le fasse à sa place. Ce manque de hiérarchie entre eux est étrange mais Eli ne s’en formalise pas, elle a bien trop besoin de Roman.

Si cet évènement ne s'était pas produit, notre relation se serait sûrement cantonné à simples amants de plusieurs nuits avant de reprendre du service en gardant des barrières professionnelles. Des barrières qui venaient de sauter. La voir dans un tel état de fragilité me sort de mes gongs et en même temps, me fait surgir un aspect de cette nouvelle personnalité qui se dégage depuis mon accident. Cet aspect qui me fait être doux et attentionné. Je parviens même à tout faire pour la préserver et ne pas la perturber davantage. Des principes que j'étais persuadé ne jamais sortir de cette manière. Etre au service d'une autre personne, non, jamais cela n'aurait pu être possible, parce que jamais je ne pensais ressentir une telle chose, un tel besoin. Oui, j'ai le besoin irrépressible de m'occuper d'elle et de la soigner. Heureusement pour moi, elle se laisse aider à se déshabiller malgré la faiblesse évident qu'elle entretient. Je lui retire alors la fermeture de sa robe, déglutissant quelque peu, ayant préféré faire ce geste en d'autres circonstances. Elle me sort alors de mes pensées en m'arrêtant. Levant mes doigts de sa robe, je me tétanise presque, redoutant ses prochaines paroles. Elle se retourne alors et contre toute attente, me demande de faire la suite "Bien entendu." Lui murmurais-je, comme si parler à haute voix pouvait la blesser davantage. Mais je compris bien rapidement le problème : sa blessure. Je fais alors passer délicatement sa robe par dessus sa blessure, espérant qu'elle ne s'y accroche pas et reste le plus impassible possible pour ne pas la heurter. Une fois la chose faite, je laisse tomber à terre sa robe déchirer et viens l'aider à se rasseoir sur la baignoire "C'est mieux de nettoyer et de bander la plaie. Oublions le bain." Oui, sa plaie est bien plus profonde que je ne l'imaginais "Si cela ne va pas mieux dans quelques heures, je t'emmène à l'hôpital." Je ferme alors le robinet de la baignoire et lui récupère ce qu'il lui fallait pour la soigner un peu partout.

Les yeux d’Eli s’accrochent constamment à lui, comme s’il devenait sa bouée et qu’elle était très dépendante de lui. Elle se retourne pour lui laisser la possibilité de retirer sa robe par la fermeture. Elle aussi elle aurait aimé d’autre circonstance mais elle est là… et elle ne sait toujours pas comment elle a atterri ici. Eli l’arrête dans son geste en sentant sa blessure sur le ventre. Eli se retourne et lui demande de le faire. Elle peut être forte mais là, elle n’est pas capable de faire plus. Elle ferme les yeux en sentant le tissu descendre petit à petit. Roman reste délicat et doux dans ses gestes. Elle savait bien qu’il pouvait être capable d’agir de la sorte, elle commence à connaître son cœur depuis son accident. Ses yeux s’ouvrent en sentant le tissu à ses pieds, il a réussi à passer la blessure, elle ne risque plus rien. En sous-vêtement devant lui, elle revient s’installer, avec son aide, sur le rebord de la baignoire. Roman écarte l’idée du bain et se concentre uniquement sur sa plaie. Pourtant, ce bain lui donnait envie... La chaleur surtout. Plus tard peut-être mais il a raison, il faut d’abord la soigner. Elle a toujours un peu froid mais la chaleur de l’eau chaude dans la pièce, l’aide à se réchauffer un peu. Eli acquiesce de nouveau avant de le regarder prendre ce qu’il faut pour la soigner. Elle ne s’exprime pas beaucoup mais à sa remarque, elle est obligée de secouer la tête négativement avant de se lever d’un coup, ressentant une immense peur au fond d’elle. «  Non, non, ne m’emmène pas là-bas. » Un vent de panique l’envahie. L’hôpital. Depuis la santé fragile de sa mère, Eli a très peur de l’hôpital. Il est hors de question qu’elle remette un pied dans cet établissement. « S’il te plaît… » Implore Eli, toujours aussi effrayée de finir là-bas. Elle ne veut pas qu’on lui pose de question, elle ne veut pas qu’on vienne la voir, elle veut rester ici, cloitrée. «  Je… Je peux me soigner, je peux arranger les choses, je peux faire ce qu’il faut, je sais soigner, j’ai pas besoin d’aller à l’hôpital. » Un débit de parole impressionnant s’échappe de la bouche d’ Eli. Elle ne parlait pas mais voilà qu’il a déclenché une nouvelle peur en elle et qu’elle se met à paniquer. Le froid l’envahie de nouveau alors elle referme les bras sur elle, tremblant autant de froid que de peur.

Découvrir la demoiselle dans cet état me procure un drôle d'effet. Un sentiment que je n'avais jamais ressenti. Ce besoin de la soigner à tout prix au risque de me voir souffrir avec elle. Alors je fais tout pour l'aider, pour la soulager, m'imaginant parfaitement ce qui avait pu se produire mais ne préférant pas trop y penser et encore moins le lui demander, autant pour lui éviter toute peine supplémentaire mais pour m'éviter aussi des folies regrettables bien que justifiées. Le plus sage pour l'instant était de la soigner, vu la plaie importante au niveau de son ventre. Mais je suis loin de savoir correctement guérir ce genre de blessure. Le mieux serait l'hôpital, mais elle s'y refuse. Vu les circonstances, il n'y a rien de plus logique. Vu son débit de paroles, je comprends aisément qu'elle ne le souhaite réellement pas et cela me fait sourire délicatement "Soit. Pas d'hôpital." Je récupérais alors le nécessaire pour la désinfecter et la soigner quand je la vis tremblotante. Sans réfléchir, je viens ma chemise du jour qui trainait non loin et viens lui passer sur les épaules le temps que je la soigne "Je te désinfecte, te panse la plaie et je t'emmène au lit, ok ?" Bien que je ne souhaite pas de réponse réelle, je me dis que c'est sûrement mieux formulé ainsi. Après tout, elle vient de vivre un sacré traumatisme et je ne désire en rien la forcer. Ce soir encore moins. M'attardant mieux sur sa plaie, en la nettoyant, je m'aperçois qu'elle n'est pas si large et espère de tout coeur qu'elle ne soit pas trop profonde afin que la bonde puisse guérir sans points nécessaires. Mais sinon "Je connais un médecin discret. Je le ferais venir demain matin." Précisais-je à la demoiselle. Je ne pouvais décemment pas laisser la chance ou le hasard décider de sa vie.